¡ À PROPOS !

Les errements de la langue française sont magnifiques, en ce qu’une même expression peut avoir des significations opposées pour ne pas dire divergentes. Ainsi pour Emile Littré à propos équivaut à « convenablement au lieu, au sujet, etc. » ; mais il s’emploie aussi « lorsqu’à l’occasion d’une chose on se souvient subitement de quelque autre chose qui s’y rapporte, ou même dans la conversation familière, ne s’y rapporte pas du tout ».
Ainsi cet à-propos insinue à la fois quelque chose de « convenable » et quelque chose qui ne le serait pas. Ce qui, du point de vue de l’art qui nous occupe, est bien la moindre des choses, finalement.

À propos donc de 32 jeunes étudiant•e•s-artistes fraîchement diplômé•e•s de l’École nationale supérieure d’art de Nice qui exposent à la Villa Arson et à la galerie de la Marine. C’est l’esprit d’à-propos qui préside à cette manifestation, plus que l’émergence d’un style ou d’une école (fût-elle de Nice). 32 propositions qui arrivent à-propos, c’est-à-dire à point nommé, après 5 années d’errances et d’expérimentations.

À propos de Nice évidemment ! Impossible de ne pas faire un clin d’œil à ce manifeste libertaire du cinéma qui défie les limites du documentaire et de la fiction. À l’instar de l’effeuillage de cette belle femme dans une des scènes du film, Jean Vigo opère une manière de déshabillage de la ville de Nice. Cette mise à nu, préside métaphoriquement à l’élaboration de l’exposition de la galerie de la Marine. Celle-ci est pensée comme une exposition en train de se construire et de se déconstruire, de se faire et de se défaire, dans un même mouvement. L’exposition est ici considérée comme un corps, comme un organisme, qui déploie ses constituants et composants (murs, sols, cimaises, images, peintures, éclairages, sons, objets, sculptures, mots, etc.) et les fait entrer en émulsion et en collision. Les collaborations entre artistes sont à cet égard privilégiées.

À la villa Arson, il s’agit plus d’une déambulation, entre promenade et dérive, permettant d’aborder les œuvres aussi bien dans les espaces intérieurs qu’à l’extérieur. La multiplicité et la singularité des approches y sont favorisées ainsi que l’autonomie de chaque pièce présentée. À la galerie de la Marine nous avons affaire à une proposition qui favorise les combinaisons et les associations d’idées, de styles et de matières ; à la Villa Arson à une trentaine de propositions inscrites dans l’espace. Deux manières complémentaires d’envisager la question de l’exposition.
Et ceci sous le regard et avec la complicité d’Arnaud Labelle-Rojoux qui pendant une année a suivi et accompagné chacun•e des étudiant•e•s-artistes dans leurs projets.
Question d’à-propos, A. L-.R. s’y connaît. Et le fait qu’il m’ait invité pour sa dernière année d’exercice au sein de l’École tombe bien sûr à pic.

Son impertinence d’artiste et sa générosité d’enseignant trouveront ici leur place fort à propos.

Bernard Marcadé

The meanderings of the French language are beautiful in the way in which they lend opposing and diverging meanings to a single expression. Thus, in the words of Emile Littré, the French expression à propos means "pertinent to a place, subject, etc.", but can also be used "upon suddenly remembering a relevant piece of information, or used colloquially for a subject that is not in any way relevant".

This à-propos therefore refers to something that is both relevant and not, which in our artistic world, is barely relevant at all.

À propos introduces 30 newly-qualified graduate artists from Nice's national art school, who are showcasing their works at the Galerie de la Marine. The spirit of à propos reigns over this event more than the emergence of a particular style or school of art, featuring 30 proposals or ideas arriving in apropos fashion and in a timely manner following five years of meanderings and experimentation.

À propos de Nice, of course! How could we relinquish the opportunity to give a quick nod to this liberal manifesto of film that so defied the boundaries of documentary and fiction. Just like the film's scene of a beautiful woman undressing, Jean Vigo brings us the unveiling of the city of Nice.

This baring of the soul is the metaphor underpinning this exhibition at the Galerie de la Marine, designed as an exhibition-in-progress, simultaneously being constructed and deconstructed in a single act. The exhibition is conceived as a body and organism that spreads out its constituents and components (walls, floors, picture rails, images, paintings, lighting, sounds, objects, sculptures, words, etc.), bringing them to collide, mingle, and merge. With this in mind, collaborative projects between the artists were the priority here. At the Villa Arson, the exhibition is more of a journey, with visitors drifting and strolling between works of art scattered outdoors and inside. The focus is on the multi-faceted uniqueness of the different artistic approaches, as well as the stand-alone merit of each piece on display. At the Galerie de la Marine, we are treated to a concept that fosters the combining and pairing of ideas, styles and materials, while the Villa Arson boasts thirty-odd different pieces in a single space, for two complementary ways of tackling the exhibition's theme. This endeavour was made possible thanks to the experienced eye and support of Arnaud Labelle-Rojoux, who spent a year assisting and overseeing the student artists in their projects. Arnaud Labelle-Rojoux is the master of the apropos, after all. And his inviting me to attend during his last year at the school couldn't have come at a better time.

His artistic irreverence and the generosity of his teaching find their place in the à propos.

Bernard Marcadé

Jean Vigo, À propos de Nice, 1930

Jean Vigo, À propos de Nice, 1930

Arnaud Labelle-Rojoux
Soyez malins après la retraite visez l'enfer ! 2011, Print on coloured paper, 70 x 50 cm

Collection de 53 ex., courtesy de la Galerie Loevenbruck, Paris, © ADAGP, Paris 2016.

Arnaud Labelle-Rojoux
Détendez-vous ce n'est que de l'art ! 1998, Acrylique sur papier, 70 x 50 cm

Private collection, © ADAGP, Paris 2016. Courtesy de la Galerie Loevenbruck, Paris. Photo Fabrice Gousset